Questions
- Depuis quand AOKIstudio a-t-il commencé à s’intéresser à l’IA ?
- Quels sont les sujets particulièrement d’actualité concernant l’IA ?
- Quels sont les dangers d’une dépendance des créateurs à l’IA générative ?
- Pourquoi l’apprentissage par imitation, naturel pour les humains, est-il controversé pour l’IA ?
- Peut-on encore parler de création humaine quand 90 % du résultat provient de l’IA ?
- La perception de l’IA par les créateurs varie-t-elle selon les pays ?
Depuis quand AOKIstudio a-t-il commencé à s’intéresser à l’IA ?
Nous faisions partie des premiers testeurs de MidJourney en juin 2022, avant l'annonce officielle de juillet 2022. Nous avons ensuite testé et comparé simultanément DALL·E et Stable Diffusion. En mars 2023, nous avons découvert Adobe Firefly, intégré automatiquement à Photoshop.
Dans un premier temps, nous avons, comme beaucoup, été bluffés par l'apparente qualité et originalité des images générées.
Nous ne savions pas encore de quelle manière, mais c'était comme une révolution qui allait transformer les domaines créatifs.
Nous avons particulièrement étudié MidJourney dont les prompts des utilisateurs sont publics, contrairement à DALL·E et Stable Diffusion dont les prompts sont privés.
Encore aujourd'hui, nous avons avec MidJourney la possibilité d'analyser les prompts à l’origine des images générées et donc le fonctionnement de ces systèmes.
Trois points ont retenu notre attention :
Dès les premiers jours, nous avons été surpris de découvrir que taguer des noms d’artistes dans les prompts était une pratique courante : à la manière de..., dans le style de...
Cela concernait des artistes dont les œuvres sont dans le domaine public, comme Léonard de Vinci ou Van Gogh, mais aussi très souvent des artistes plus récents dont les œuvres sont censées être protégées par les droits d’auteur. La liste est infinie, mais parmi les plus tagués, on retrouve des artistes comme Takashi Murakami, Yayoi Kusama, des sociétés de production comme DreamWorks, Pixar, des réalisateurs de films comme Tim Burton, Wes Anderson, des personnages sous licence comme Pokémon ou les Minions, des designers et architectes comme Tadao Ando, Zaha Hadid, des créateurs de mode comme Vivienne Westwood, ou encore des graphistes comme Paul Rand et Milton Glaser.
Nous avons aussi découvert qu’un même prompt pouvait générer des images extrêmement différentes et que les images générées correspondaient très rarement à ce que nous avions en tête. L’apparente originalité et qualité des résultats conduisaient alors à choisir une image par dépit, et la pratique consistait à générer une quantité très importante d’images pour n’en retenir qu’une seule.
Le troisième point étonnant était que les utilisateurs des outils IA n’étaient pas les artistes d’avant l’IA, mais plutôt des personnes qui n’avaient jamais imaginé produire des images auparavant. L’IA permettait à tous de générer un avatar pour les réseaux sociaux, un logo pour une entreprise, un design d’objet ou d’espace pour une proposition, ou tout simplement de créer, de manière ludique, des images juste pour le plaisir.
Quels sont les sujets particulièrement d’actualité concernant l’IA ?
Les sujets principaux sont apparus dès 2022 : droit d’auteur, disparition de certains métiers, perte cognitive, ambiguïté créateur-consommateur, surabondance, saturation.
Un sujet plus récent est celui de la pollution : la pollution de notre planète, avec une consommation croissante d’électricité et d’eau pour le refroidissement des serveurs, et la pollution de notre imaginaire, avec une croissance exponentielle de la production d’images.
L'évolution tend aussi, cependant, vers une surmultiplication des outils, avec déjà plus d'une trentaine de générateurs d'images IA début 2025.
Certaines nouvelles fonctionnalités semblent aller dans le sens des premières pratiques, à savoir générer une quantité très importante d’images pour n’en retenir qu’une seule.
En 2022, MidJourney générait une image en 30 à 60 secondes.
En 2025, le nouvel outil de Leonardo.ai, Flow State, propose un flux en temps réel, continu et infini d’images sur la base d'un même prompt.
Deux ans après l’apparition des outils IA, il semble que ces derniers commencent à se nourrir de leur propre production, et le sentiment que les résultats tendent de plus en plus vers une moyenne est particulièrement d’actualité.
Les outils tendent aussi à se spécialiser et à intégrer la possibilité de retravailler un dessin ou une photographie préexistante.
Ces outils laisseront-ils moins de place au hasard d’un simple prompt et ouvriront-ils la voie à plus de créativité ?
Quels sont les dangers d’une dépendance des créateurs à l’IA générative ?
Chaque créatif, designer, dessinateur, musicien, écrivain, cuisinier et, plus récemment, codeur informatique, apprend et perfectionne son savoir-faire tout au long de la vie.
L’acte créatif est en soi un acte d’apprentissage qui ne consiste pas simplement à reproduire une recette à l’identique, mais au contraire à se remettre en question continuellement, à douter, à tester de nouvelles méthodes, à se tromper, à revenir en arrière jusqu’à s’étonner et se surprendre soi-même.
Si l’acte créatif n’était pas un acte d’apprentissage, nous ferions tout simplement toujours la même chose.
C’est parce que nous apprenons en créant que nous pouvons créer des choses nouvelles.
Sans acte créatif, plus d’apprentissage, et sans apprentissage, plus de créations — et c’est précisément ce qui se passe avec l’utilisation des générateurs d’images IA.
Le mode de fonctionnement de programmes comme MidJourney ou DALL·E efface la dimension apprentissage de l’acte créatif.
Le résultat apparaît sans qu’il soit nécessaire de passer par les étapes traditionnelles de création.
La dépendance à l'IA est évidente ; nombreuses sont les personnes qui concèdent déjà ne plus pouvoir s'en passer.
Le principal danger de cette dépendance, au-delà de l’impression trompeuse de créer soi-même quelque chose, est donc de ne plus apprendre.
L'acte créatif traditionnel consiste à donner, mais générer un design ou un visuel avec une IA consiste à recevoir.
La dépendance à l'IA peut alors nous transformer, nous, producteurs, en consommateurs.
Nous ne créons plus, nous consommons.
En échange d’un abonnement payant à un système IA, nous passons commande jusqu’à obtenir satisfaction.
Pourquoi l’apprentissage par imitation, naturel pour les humains, est-il controversé pour l’IA ?
Il est nécessaire d’utiliser de grandes quantités de données pour le développement des algorithmes basés sur l’apprentissage profond, et cela ne pose pas de problème en soi.
L'opposition vient du fait que des sociétés privées ont utilisé, à des fins commerciales, des oeuvres protégées par le droit d’auteur sans l'autorisation de leurs auteurs.
Mettez-vous à la place d'un artiste qui a créé un personnage pour son futur manga. Il n'a pas spécialement envie que son personnage soit plagié puis exploité à des fins commerciales par d'autres personnes, non ?
Il ne s’agit pas uniquement de l’apprentissage de l’IA, mais aussi de son utilisation. Ne voyons-nous pas qu’en recherchant un dessin du personnage Totoro de Hayao Miyazaki sur Internet, nous ne trouvons plus les dessins originaux, mais uniquement de pâles copies déformées du personnage Totoro ?
Peut-on encore parler de création humaine quand 90 % du résultat provient de l’IA ?
Il n’est effectivement déjà plus possible de distinguer ce qui relève de la contribution humaine et ce qui a été généré par l’IA.
Nous entrons peut-être dans une ère où cette question perd de son sens. Peu importe comment telle ou telle chose a été produite, tout devient potentiellement vrai ou faux, et peu importe si un être humain ou une machine est à l’origine de ce que l’on consomme.
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